A vous, à nos nez. Avec Georges Jean

[Actualité publiée le : 27 Avr, 2024]

Merci pour vos petits mots géopoétiques et amicaux toujours. Chacun réagit à sa manière: l’enthousiasme de Claudette, le plaisir de Marie-Paule, les remerciements de Valérie, les amitiés de Patrick, les nouvelles de Rodolphe, la prose de Daniel, etc… Comme le mois dernier, je continue mon cycle poétique de l’eau, cette fois-ci avec “Amorce du temps des planctons”.  Je vous en dirai davantage le mois prochain.

Aujourd’hui, j’ai envie de vous partager une de mes manières de lire la poésie ; avec  le nez. J’avais envie d’une odeur épaissie par le temps. Le meilleur moyen pour obtenir cette odeur, c’est d’aller chercher dans ma bibliothèque, les recueils trouvés chez les bouquinistes ou les brocantes. Parce que je ne l’avais pas encore lu, c’est le recueil “main d’encre” de Georges Jean qui a été choisi.  D’abord,  vous avouer que même si Georges Jean était un poète manceau, je ne l’ai pas connu, ni rencontré. C’est curieux comme on peut avoir l’impression d’être née à côté et non pas aux côtés de…

J’aime imaginer les maisons d’où viennent les bouquins de chez les bouquinistes.  Donc, il me faut une bouquinerie avec du réassort pour me garantir le voyage. Les bouquineries comme la Librairie Sans Nom, rue nationale au Mans est un lieu de poésie olfactive personnalisée.

Allons-y ! Ouvrons “Main d’encre”. Prenons une grande inspiration. Une odeur de chemise d’homme au coton chaud fraîchement repassé fait apparaître un homme âgé et svelte.

Il marche dans sa maison. Page 66, quel  poème va m’accueillir ? “M’ouvrir à l’inconnu”. Parfait. Je continue mon exploration. Je referme le recueil et vais l’ouvrir m’en allant plutôt vers la fin. Nouvelle et profonde inspiration. Apparaît la bibliothèque de mes rêves ! Vous savez, celle avec la grande échelle  et des tablettes pour poser les livres aux papiers fins et précieux.  Page 110,  quel poème va m’accueillir ? : “Cette autre main que j’aime dans la mienne lovée raconte ce qu’elle ne trace plus”. Mon cœur en pince.​ Apparaît alors le messieur donnant la main à sa dame, s’asseyant tous deux dans le canapé du salon-bibliothèque.  Le moment est d’une intense intimité. J’en suis presque gênée. Je reviens à mes narines. Dernière escale olfactive. Je me concentre. J’essaie de viser pile poil. J’ouvre, je l’espère en plein milieu du recueil. J’insère mon nez, comme on pose l’œil sur le trou d’une serrure. Cette fois, c’est le parfum de la chemise de nuit en coton de  la  femme qui me fait vagabonder. Son coton sent aussi le fer chaud. Peut être que la chemise de l’homme est un haut de pyjama. Peut-être qu’elle est frileuse. Peut-être que le chauffage fonctionne mal ? La maison est spacieuse, assez cossue, propre. Elle sent la pierre blanche, peut-être du tuffeau. Il y a beaucoup d’espace pour circuler entre les meubles. La nuit, dans cette maison, si on marche, lumières éteintes, on a la sensation d’être en haut d’une montagne ou au milieu d’une clairière. On a beau écarter les bras, aucun ne touchera aucun meuble. La nuit éteint les limites de la maison. Je suis arrivée à la page 78. Le recueil fait 151 pages. A trois pages près, je suis au milieu. Je me félicite. Quel poème va m’accueillir ?  “ Sur le chemin/Roule un caillou/ Dans ta main tu le caresses/Son cœur bat dans le cœur de ton pouce/ Ainsi le poème/Livré à lui-même. Pile comme moi !

Souhaitons l’année 2024, année d’espérance. Ouvrons grand nos bras, laissons le monde nous traverser,  éveillons  tout rond nos cosmogonies, préservons les indispensables planctons et les odeurs des livres.

52. 26 avril 2024. Des liens, des lieux et du liant