M’émerveiller est ce que je sais faire sans aucune difficulté. Je partageais mon émerveillement, je donnais du beau, de la joie. Mais un jour, j’ai compris que ça agaçait. Si je peux vous l’assurer ! Il y a des gens qui ne supportent pas les gens enthousiastes et émerveillés. Je peux même vous assurer que cela m’a valu de nombreuses peines et déconvenues, grands malentendus irrémédiables. Cela m’a coûté très cher.
Aussi, quand La Plume de Léonie m’a proposé d’envoyer un de mes poèmes auprès de Marguerite Chabon et de Jean-Pierre Béchu pour réaliser le tome 2 de l’anthologie de l’émerveillement, j’ai souri dans mon fort intérieur (avec les années, j’ai appris à garder secrètement mes émerveillements, mes petites joies). J’ai proposé le poème “Le silence” ainsi que l’illustration de la couverture de mon dernier recueil de poèmes “Nous les gens de la Terre”. Quand j’ai su que mon texte avait été accepté, cela m’avait fait l’effet d’une bonne revanche à tous les revêches de cette planète. Je pensais que j’en resterai là. Et bien non !
Dans la rubrique “Extraits” sur le site des Editions du net, je découvre tout d’abord le poème “Epanouissement” de Michel Auvent, le jardinier du Bonheur, un des poètes rencontré lors de ma traversée, à pied, à la recherche de poètes vivants entre le Mont-Saint-Michel et le Mont Blanc. Être ensemble dans le même ouvrage poétique consacré de surcroît à l’anthologie de l’émerveillement me met toute en joie d’autant que cette joie sera réciproque. Je continue le défilement des pages sur mon écran. Arrivée à la page 14, je ris aux éclats. Je suis stupéfaite !! Elle ne m’a rien dit. Voilà que mon amie Yasmine, membre du Café-Poésie de Sillé-le-Guillaume, y publie un poème mais pas n’importe lequel ! Elle publie un poème sur le Mont Blanc “L’or Blanc”. Il y a très peu de poèmes sur le Mont Blanc et encore moins de poètes se considérant habiter au Mont Blanc. Moi-même, je n’ai pas réussi à écrire de poèmes et j’ai eu beaucoup de difficultés à trouver des poètes. Alors, nous savoir ensemble avec Michel Auvent, ainsi qu’avec d’autres poètes sarthois me ravit.
Mais alors, qu’est-ce que donc l’émerveillement ? Où se niche-t-il ? L’émerveillement tient bien souvent à de toutes petites choses. L’émerveillement de Michel Auvent est dans la joie du matin, l’harmonie du chemin ; celui de Yasmine Bargache se place dans le calme et la mystérieuse vapeur sucre glace du Mont Blanc. Le mien, je l’entends surtout dans le silence et celui de Roseline Lambert, poétesse montréalaise se situe dans la lumière et le temps qui passe, comme elle a su le retranscrire de manière très simple dans son poème “Couleurs accidentelles”. Lisez-le jusqu’à la fin. Prenez le temps de le savourer. Prenez le temps d’écouter le poème. Prenez le temps de voir le poème et je vous le garantis, vous serez émerveillés. Regardez son émerveillement. Relisez-le, imaginez recevoir ou faire ce sublime geste d’amour.
A tous vos revêches et vos jaloux de votre propre aptitude à l’émerveillement, dites-leur : S’émerveiller, c’est s’étonner avec joie et enthousiasme du merveilleux. Et ce, quand bien même ce monde peut paraître immonde et rance comme ce mois-ci où l’Assemblée nationale de notre République Française a voté une loi sur l’immigration plus restrictive que jamais. Il va s’en dire que l’émerveillement est difficile à atteindre. Sa pratique quotidienne est pourtant une arme vitale dont il est nécessaire d’abuser à plein temps. S’émerveiller, c’est rester vivant et aimant. Abusez de la poésie tant que vous voudrez. Le thème “Frontières” du Printemps des poètes 2023 n’a jamais si bien collé à la problématique de nos temps futurs.
Démontez les frontières. Allez vous promener dans le rayon de poésie de votre librairie favorite. Là, vivent les vraies et les véritables étonnements, les doutes et les convictions, les valeurs et les racines, les coups de gueule et les émerveillements ; des rencontres improbables. “La poésie sauvera le monde” nous a écrit Jean-Pierre Siméon. Le 24 janvier 2024, il recevra le prix Joël Sadelerorganisé par les Éditions Donner à voir, à Ballon-Saint-Mars, commune de mon enfance. Comment ne pas m’émerveiller ?!
S’il y a des gens que l’émerveillement agace, d’autres vous le partagent. Piou, une merveilleuse correspondante géopoétique, à la lecture du poème Uiesh de Joséphine Bacon a eu envie de calligraphier ce poème Inuit. Cet été, elle m’a donné l’original du parchemin en peau de veau, entre deux pans d’un grand calendrier en carton pour le protéger. Merci Piou. Les Pointiplumes sont émerveillés.
En ce jour du 27 Décembre 2023, où la planète vit une dramatique ébullition climatique, politique et sociale, je souhaite qu’à chacun de vos réveils, votre chemin choisi soit là, sans frontières et chanceux, mémoriel, empli de conversations au bord du réel, de possibilités et traversées poétiques, dépourvus de mort d’ennui et pleines d’effusions ; une vie cohérente sans sidération et quatre derniers jours d’émerveillements avant la fin de l’année.