A vous, à nos rencontres,
C’est le jour des correspondances géopoétiques. Aujourd’hui, j’ai presque envie d’écrire aux lecteurs et lectrices inconnu.es. Depuis que j’ai donné la possibilité de s’abonner pour recevoir Les Correspondances Géopoétiques, des inconnu.es les lisent ! Qu’est-ce que je peux écrire à des inconnu.es ? Peut-être qu’ils s’attendent à une écriture poétique transcendante, merveilleuse, magique, formidable, exceptionnelle… Qu’espèrent-ils donc ? De quoi ai-je envie de leur dire ? Cela me trottine dans la tête depuis le début de la semaine… comme il me trottine que mon poème Le silence est d’actualité politique… comme il me trottine dans de choses… Mais on verra ça plus tard.
Pour l’instant, j’ai envie de leur dire qu’au Printemps des Poètes dernier avec les ami.es de la poésie de Sillé-Le-Guillaume, de Conlie et de Fresnay-sur-Sarthe, nous avons fait lecture à haute voix accompagné.es au piano par Yann Pétillon, à la flûte par Isaa et au saxo par Denis Galbrun. J’ai lu Le silence, ce poème qui a reçu son prix d’honneur de l’Université populaire de Saint-Nazaire et sa coupe du même rouge que l’affiche réalisée par Sunhi Mang à partir de la structure en métal et de laine de Shiota Chiharu, installée au Mori Art Museum à Tokyo en 2019. J’ai surtout choisi le poème Silence car avant et après leurs éruptions, les volcans sont d’abord des êtres de silence éternel. Vous le retrouverez sur ma chaine Youtube ou sur mon site.
Jusqu’alors, je pensais que le silence de mon poème n’était ni le silence de Bétharram, ni le silence du Clan Cantat, ni le silence de tant de trajectoires de vie modifiées afin que celles des autres ne changent pas.
Jusqu’alors, je pensais que le silence de mon poème était le silence des petites choses banales et Ô combien importantes dans une vie. Je me suis trompée. En pensant aux élèves de Betharram, à Marie Trintignant, à Gisèle Pélicot, aux victimes de l’Abbé Pierre, j’ai entendu le silence de la violence. Je peux donc désomais dire que c’est un bon poème. Le poème passe aussi ses épreuves.
J’ai surtout envie de vous dire que ce soir-là, j’ai ressenti, à nouveau, ce plaisir unique. Alors, que bien souvent, nous lisons nos révoltes souterraines, nous avons toujours cette sensation de dépasser des Frontières — souvent les nôtres ; de transgresser des Désirs — toujours les nôtres ; d’embrasser le monde avec Courage — il en faut pour lire la poésie à haute voix ; on y met toute notre Ardeur car on tente de donner de la Beauté et de la Grâce — à toutes les vicissitudes du monde ; la lecture est Éphémère mais l’effet ultime est Volcanique.
Autour d’un verre de cidre et de petites assiettes de tartines de rillettes, nous nous retrouvons alors timides. On se sourit parce qu’on a du mal à parler. On se sourit parce que l’on sait qu’ensemble — sans pancarte, sans bannière, sans vote à main levée ou à bulletin secret, on vient de faire un acte de liberté de haute importance !
Avec les participants du stage de poésie à voix haute, organisé par le Pays de la Haute Sarthe et mené de main de maître par Hubert Jégat, avec les poètes de la Plume de Léonie guidés de concert par Lydie et Bernard-Victor Chartier, fondateurs de la maison d’édition associative La Plume de Léonie, avec Clémence, la nouvelle responsable de la médiathèque, qui a organisé cette soirée avec élégance et avec les auditeurs et auditrices présents, nous avons fait non seulement acte d’existence poétique mais aussi, l’heure étant dédiée à la langue des volcans, une fusion poétique !
J’aimerais aussi dire à ces inconnu.es, qu’ un.e poète remplit la salle avec ses amis, sa famille, ses collègues, ses voisins ou les habitués de la structure organisatrice. Ayant une audience locale, on est alors classés comme poétes locaux. En librairies, on nous réserve même des rayons dédiés Auteurs locaux. Nous sommes donc classés par notre type d’audience. Dans des salons, comme celui du Mans, on refuse les auteurs locaux. Le monde du livre fonctionne comme cela. Le livre est d’abord un marché économique. Sur les grandes tables, dans les salons, les livres à forte audience de vente ; au fond des tiroirs ou au fond du rayon, les livres de faible audience. Or, l’audience ne dit rien de la qualité littéraire, poétique et humaine. Elle dit juste la capacité de l’auteur ou de la maison d’édition à investir dans la diffusion, la distribution et la promotion.
Vous, nouveau lecteur, nouvelle lectrice, inconnu. e, sachez que si vous découvrez un de mes ouvrages poétiques, au fond d’un rayon de librairie, vous êtes chanceux parce que curieux. Comme moi, je l’ai été, en rencontrant les poètes à pied, droit-devant, entre le Mont Saint Michel et le Mont-Blanc, j’ai rencontré des poètes locaux. Aujourd’hui, je me demande si une personne avec sa tente, son chien et son réchaud passant dans la Sarthe à pied, sur le GR 36, accéderait à ma poésie comme j’ai pu accéder à la poésie de Claudette Louchart-Vassort, à Bracieux, près de Blois. Après notre rencontre, elle m’a envoyé son poème « Rencontre poétique » que je vous partage et qu’il faut lire avec un brin d’humour et de joie grandissante. C’est un poème qui prouve notre rencontre alors que nous étions l’une pour l’autre deux inconnues que la poésie a reliées.
Puisque la danse promise avec mon jeune voisin a été faite avec brio, je vous souhaite de nombreux points étoiles, des fermes, un joyeux printemps, des voisins aux belles manières d’être vivant et de belles rencontres poétiques.