Depuis mon arrivée dans ma nouvelle maison, j’ai commencé la lecture de l’essai philosophique et poétique de Baptiste Morizot, Manières d’être vivant, enquête sur la vie à travers nous. Cela faisait au moins deux ans qu’il était dans ma bibliothèque sans que je ne lise vraiment. “Quitter la ville, alors, ce n’est pas bucoliquement s’éloigner des bruits et des nuisances, ce n’est pas aller vivre à la campagne, c’est aller vivre en minorité”. Cela me plait beaucoup de savoir que je vis désormais en minorité humaine, cela me change de catégorie de minorité. On peut donc être en minorité sans être en opposition.
“Qui habite ici ?” J’hésite à y ajouter l’adverbe “vraiment”, ce qui donnerait un caractère philosophique supplémentaire au caractère géographique premier à mon premier relevé des êtres vivants voisinants. J’ai déjà habité ici, dans cette maison nichée à l’orée de la forêt, avec vue sur la plaine désormais implantée d’éoliennes. A l’époque, j’aimais tout particulièrement, nos conversations de voisinage humain. De fait, nous parlions souvent de nos voisins, les autres êtres vivants. Nous parlions surtout du crapaud qui s’amusait à chanter au pied de nos portes, tard dans la nuit. Je me demande s’il n’est pas mort depuis ces douze dernières années. En attendant de le savoir, je vous livre les toutes premières notes de mon relevé :
“Qui habite ici (vraiment) ?”
Le coq de ma voisine chante, j’ai bien l’impression toute la journée. Il paraît qu’un coq chante quand une poule a pondu. Si c’est le cas, les poules de ma voisine sont alors de très bonnes pondeuses.
Le pic-vert frappe de son bec dans le bosquet des charmes ou dans le châtaignier à l’entrée du pré. Les coups de becs n’émettent pas les mêmes sons ; grave dans le châtaignier, sec et léger dans les charmes. Seraient-ils deux ou plus ? Le pic-vert fait-il son nid dans plusieurs arbres ou chacun tente-t’il son arbre ? Pour l’instant, à défaut d’entendre un duo ou un trio de coups de becs, j’opte que le pic-vert est le seul de son espèce, à habiter près de moi. Au loin, dans la forêt, j’entends ses homologues.
Les premières violettes semblent courir lentement entre les fentes du perron de mon bureau. J’ai la chance d’être née en même temps que les violettes de mars. A chaque printemps, mon père, avant de résider en Ephad apportait son petit bouquet de violettes à ma mère. Ce petit acte d’amour qui peut paraître anodin fonde toute une histoire familiale à laquelle ma naissance est associée. Le perron de mon bureau a trouvé son nom de baptême : le perron des violettes.
Le pigeon est gros, je l’ai vu voler au-dessus du pommier. Je me demande si ce pigeon vit en couple ou pas. Pour l’instant, je n’ai vu que lui seul.
Le pommier des Reinettes du Mans est âgé de plus de 20 ans. Je vais lui offrir un nouveau port de tête, lui élaguer les branches mortes lui permettra de reprendre de la force. Il en a besoin.
L’insecte-mystère. J’ai enquêté auprès de mes voisins humains. Tous les trois ont remarqué cet insecte sans ne pouvoir lui donner son nom. Ce n’est ni un coléoptère, ni une abeille, ni un bourdon, ni un gros papillon. Si vous connaissez le nom d’un insecte qui ressemble à un espèce de bourdon au corps noir et aux ailes bleues transparentes lumineuses, je serai ravie de pouvoir le nommer. C’est quand même mieux de connaître le nom des êtres vivants avec qui on habite, non ?
Arrive maintenant, le moment des poèmes. Pour ce mois de Mars, je vous ai choisi “Les migrants de l’amour” écrit en écoutant la Truite de Schubert. J’avais même dessiné une jolie truite dorée et argentée. Laque de Garance est le poème que j’ai lu, à haute voix, au vernissage de peintures et du recueil de poèmes de René Saint-Léonard, édité chez la Plume de Léonie. René est un poète qui ne lit pas ces poémes au café de la poésie de Conlie. Il les récite et je l’envie. Aussi, je me suis promise qu’un jour, j’arriverai à dire un poème sans le lire. C’est tellement plus saissisant ! Son recueil est illustré de ces peintures hautement colorées. C’est un très bel ouvrage poétique.
En attendant la danse que mon voisin Edouard m’a promis pour ses 25 ans qui viennent de sonner aujourd’hui, en espérant que le printemps vous accueillera dans la joie et la bonne humeur, je vous souhaite pleins de points étoiles, des fermes et des voisins aux belles manières d’être vivant.